Audrée et moi nous accrochons tant bien que mal à notre appel d’élever une famille nombreuse et d’annoncer la Bonne Nouvelle sur le web, mais quelque fois, la précarité de notre situation nous éclate en plein visage et nous songeons à ce que pourrait être notre vie en dehors de nos habitudes. Vers la fin du mois de décembre, rien n’allait plus. Nous n’avions qu’assez de budget pour payer notre loyer et nous avons décidé de garder ce qui restait pour fêter, humblement, les fêtes de la Nativité (c’est-à-dire acheter un petit cadeau à chaque enfant et préparer des repas de circonstance). Nos lignes de téléphones ont été coupées, et nous craignions que notre seul moyen de communications avec le onde, internet, ne le soit bientôt. J’ai levé les mains au ciel, et j’ai supplié le Seigneur de m’éclairer sur Sa volonté, sur ce qu’Il attendait de moi. J’avais confiance qu’Il était avec nous, et qu’il veillait, mais j’avais besoin que l’argent rentre.
Mon expérience chez CARE Montréal
Un ami m’a proposé de travailler avec lui chez CARE Montréal, une œuvre extraordinaire dont l’objectif est d’habriter et de réinsérer les personnes sans abri. Ce refuge a été fondée par des chrétiens qui ne pouvaient demeurer inactifs à l’appel du Christ en Matthieu 25. (Bien sûr, il faut nous réjouir de cette fondation, mais je trouve bien décevant que l’Église catholique soit désormais incapable de telles oeuvres au Québec.) Moi qui avais demandé un signe de la Providence, je me devais de me montrer ouvert d’esprit en allant au moins voir ce qu’il en était.
Au milieu de mon entrevue, on m’a dit qu’ils en avaient assez entendu. Ils m’ont fait une carte d’employé et demandé de rentrer travailler dès le lendemain… Audrée et moi avons paniqué. Cette nouvelle job imprévue exigeait d’Audrée qu’elle soit seule, le soir, à s’occuper des sept enfants (pendant les vacances de Noël). Le soir, de 16h à 19h30, c’est la période la plus difficile pour nous, parce que les enfants ont faim, ils sont fatigués, et il y a de nombreuses tâches à faire (souper, vaisselle, bains, routines du dodo, etc). Audrée, pas encore tout à fait remise de son accouchement du 18 novembre précédent, était déjà exténuée.
Pour ma part, le simple déplacement d’une heure pour aller, et d’une autre heure pour le retour ajoutait deux heures à mon absence de la maison et exigeait une somme considérable en essence. En tout, je m’absentais de 11h30 le matin à 23h le soir. Après une nuit de sommeil, il ne me restait pas beaucoup de temps pour être présent auprès des enfants. Je comprends que plusieurs hommes (et femmes!) sont dans cette situation et qu’il n’y a rien d’exceptionnel là-dedans. Sauf que pour nous, ce n’était pas le plan, car nous n’aurions pas eu tous ces enfants sans un engagement de part et d’autre de nous engager d’abord envers notre famille, en présence et en temps, davantage qu’en contribution financière. Chacun ses choix.
Une expérience inoubliable
Sur le terrain, par contre, l’expérience fut extraordinaire. Puisque j’ai été embauché comme intervenant psychosocial, ma tâche consistait d’abord à développer un lien de confiance avec les usagers afin de les accompagner dans leur plan de réinsertion. J’aurais tellement de choses à dire sur les rencontres que j’ai faites, mais je n’en citerai que deux.
Kevin
D’abord, j’ai rencontré Kevin, un jeune papa de quatre enfants âgé de 24 ans. Kevin a un certain talent musical et il rêve de devenir rappeur. Nous avions donc deux éléments en commun : la paternité, et l’amour de la musique. Le lendemain, j’apportais mon studio portatif et nous avons commencé à faire de la musique. Nous nous sommes donnés l’objectif de réaliser une chanson hip hop, paroles, musique et vidéoclip. J’ai contacté le rappeur Koriass afin qu’il discute avec Kevin de l’importance de trouver un petit emploi pour soutenir sa passion musicale et se payer un appartement afin qu’il retrouve ses enfants. Kevin a un grave problème de consommation de drogues dures. Il faut trouver une façon de le convaincre de se joindre au mouvement des narcotiques anonymes.
Sylvie
Sylvie est une maman d’une soixantaine d’années. Elle a quitté son appartement, ses effets personnels et toute sa vie après qu’elle se soit faite attaquer au couteau par son conjoint. Elle n’a pas voulu porter plainte contre lui, mais elle a peur. Puisqu’elle ne cadre dans aucun programme dans sa localité située à une heure de Montréal, elle a choisi de vivre dans ce centre d’hébergement pour personnes sans-abri. N’est-ce pas ce qu’elle est devenue? Précisons que Sylvie n’a aucun problème de consommation d’alcool ou de drogues. Elle aimerait travailler auprès des jeunes de la rue. Elle les cotoie à tous les jours dans ce centre d’hébergement et elle les accompagne gratuitement. Si elle pouvait avoir un salaire pour ce qu’elle accomplit avec le talent qu’elle a reçu du Seigneur, nul doute qu’elle pourrait trouver un appartement.
Pas la bonne soultion pour nous : retour au plan initial
Si ce n’était de l’horaire qui ne convenait pas à notre famille et à quelques désordres administratifs, je serais un membre actif de l’équipe de CARE Montréal et il n’aurait pas tardé avant que la direction ne remarque mes aptitudes de leadership. Nous avons toutefois conclu, Audrée et moi, que nous ne pourrions pas tenir le coup bien longtemps, à cause des choix précédemment mentionnés que nous avions faits ensemble pour notre famille.