Une Église pauvre et persécutée pour une meilleure activation de ses ressources

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Dans le cadre d’un de mes cours de théologie, j’ai mis la main sur une statistique intéressante. J’ai appris que vers l’an 150, on a recensé à Rome 1 million de personnes. On comptait alors 30 000 chrétiens, soient 3% de la population. Pour servir cette communauté, le seul évêque de Rome avait nommé 7 diacres et 46 prêtres. 42 acolytes  les supportaient dans leur charge liturgique. On peut donc dire que l’Église de Rome comptait alors un ministre pour 312,5 chrétiens.

Dernières statistiques du diocèse de Montréal

J’ai accroché sur cette statistique, car même si les chiffres du diocèse de Montréal indiquent que 70,5% de la population est inscrite dans ses registres, le curé de ma paroisse m’a souvent dit, pour sa part, que seulement 2% de la population totale est pratiquante (un peu plus durant les solennités, un peu moins durant le temps ordinaire). Cela m’amène à penser que la population chrétienne de Montréal d’aujourd’hui ressemble, en proportion de taille, à celle de l’Église primitive à Rome. Moi qui crie sur toutes les hauteurs que notre Église devrait ressembler à une Église de convertis, je suis heureux de constater que les chiffres me donnent raison.

Pour comparer efficacement les deux Églises, j’ai pris note sur le site de l’archidiocèse de Montréal, que la communauté catholique montréalaise compte sur 3 évêques occupant une charge pastorale, 95 prêtres actifs, 88 diacres et 130 agents de pastorale. Cela représente un ministre pour 154 chrétiens. Nous avons donc 2 fois plus de ministres que l’Église de Rome du 2e siècle, et bien que les chrétiens puissent sans aucun doute être persécutés moralement, ils ne risquent pas (encore) la mort en raison de leur foi.

Croissance ou décroissance?

Comment expliquer, alors, que l’Église de Montréal d’aujourd’hui soit en décroissance, alors que celle d’il y a 1800 ans attirait toujours de nouveaux fidèles, bien qu’elle n’ait rien d’autre à donner que l’espérance de la Vie Éternelle? Je vais tenter une explication basée sur ma propre expérience, mon intuition, et peut-être le Saint-Esprit s’il veut bien m’éclairer.

L’Église antique était évangélisatrice

J’ai l’impression que le clergé était vraisemblablement moins bien organisé à cette époque. Pour communiquer entre eux, les ministres ne pouvaient compter que sur des messagers fiables. Je présume que le pigeon voyageur n’avait même pas encore été inventé…! L’évêque était proche de ses fidèles, les visitait souvent, baptisant et célébrant l’Eucharistie avec eux. Les diacres diffusaient les demandes de l’évêque avec obéissance et les prêtres n’avaient qu’à prêcher. Les fidèles étaient fervents, pratiquant une religion dangereuse qui pouvait à tout moment leur coûter la vie. Malgré tout, ils annonçaient, dans leur oïkos la Bonne Nouvelle de la venue du Royaume par l’incarnation, la mort et la résurrection du Christ Jésus. L’Église était en croissance positive malgré les boucheries régulières qu’elle subissait.

L’Église d’aujourd’hui s’accroche à sa gloire passée

Je suis conscient que mon jugement sur l’Église que j’aime est dur. Mais comme on dit: « Qui aime bien, châtie bien ». Je n’arrive pas à expliquer pourquoi la situation n’avance pas. Presque tous les prêtres que je rencontre cherchent continuellement des manières de renouveler les actions pastorales de leurs paroisses. Je connais de nombreux agents de pastorale habités d’un ardent désir d’annoncer Jésus-Christ. Les assemblées sont remplies de fidèles qui, constatant l’ampleur de la crise actuelle, sont choqués de voir notre incapacité collective à réagir de manière efficace. Comme je le disais dans mon dernier article, tout le monde le voit, mais personne ne sait quoi faire. On se regarde le nombril en soupirant qu’avant, c’était mieux. Qu’avant, les gens avaient des valeurs différentes, meilleures. Je n’y crois pas.

Une Église incarnée renverse les empires

Je propose que nous revenions à la source, qui est et qui sera toujours Jésus-Christ. Retrouvons d’abord la joie d’être sauvés, la joie ressentie par les premiers disciples constatant que le Christ, par l’amour infini du Père pour sa création, a vaincu la mort et nous donne accès, par sa résurrection, à une Vie Nouvelle et libre de toute servitude. Cette joie est tout aussi pertinente pour le croyant d’aujourd’hui que celui du contemporain du Christ. N’est-ce pas cette joie de l’Évangile, portée par des inconnus, qui a touché sainte Hélène, la mère de l’empereur Constantin, qui a ainsi changé le monde à tout jamais?

Je suis dans la même paroisse depuis 10 ans et je n’ai jamais vu mon évêque, ni même son auxiliaire, présider une messe dans mon église. Un berger ne devrait-il pas sentir le mouton, comme le disait si bien notre bien-aimé pape François? Comment peut-il être bien au fait de ce qui se passe sur le terrain s’il passe son temps à la cathédrale et dans son bureau à rencontrer des notables? J’ose croire que mon évêque n’est pas déconnecté de la réalité. Mais il me semble que le fait d’avoir l’opportunité de le rencontrer, disons une fois par année, me rassurerait sur ce fait.

Bien sûr, j’ai l’impression que l’évêque de mon diocèse, avant d’être nommé, était bien au fait des enjeux dans le diocèse. Qui ne le serait pas? Mais une fois en poste, peut-il être pris par la crainte de trop « brasser la cage » et de perdre ainsi quelques prêtres trop vieux pour subir une réforme? J’en ai bien peur. Et pourtant, ma petite recherche d’aujourd’hui démontre que nous pourrions perdre la moitié de nos ministres montréalais et espérer encore de la croissance. Une Église plus pauvre la force à désinstitutionnaliser la pastorale et à réformer la planification de ses ressources.

Malheureusement, « réforme de la pastorale » rime aujourd’hui, inopportunément, avec « augmentation de tâche » pour les curés; eux qui doivent davantage gérer la décroissance de leur paroisse en sauvegardant le patrimoine immobilier au détriment de l’évangélisation. (D’ailleurs je me suis toujours posé la question: si l’Église existe pour évangéliser [cf Evangelii Nuntiandi], comment se fait-il que l’évangélisation reçoive aussi peu de ressources financières et humaines?) Il me semble que l’administration immobilière est un métier qu’on n’apprend pas au séminaire, que les prêtres ne sont donc pas formés pour cela et que des laïcs pourraient faire le travail bien mieux qu’eux. Alors nos prêtres auraient le temps d’enseigner la Parole et de faire connaître et aimer Jésus. (Je vous entends dire: et donner les sacrements… NON! Ce n’est pas la première tâche d’un prêtre! Je vous réfère à mon article sur la sacramentalisation de la catéchèse…)

Les fidèles laïcs, pour leur part, devraient aussi prendre conscience de leur rôle important à jouer dans la croissance de l’Église et, éventuellement, de la venue définitive du Christ. Les laïcs doivent annoncer la Bonne Nouvelle. C’est sur eux, plus que sur quelque clerc que ce soit, que repose cette importante responsabilité. Ils le font d’abord par leur comportement, puis par leur mot. Une école de formation existe pour cela: les Cellules Paroissiales d’Évangélisation. Toute personne préoccupée par la décroissance de notre Église montréalaise devraient s’intéresser à ce système et s’empresser de l’implanter dans son milieu, en collaboration avec son pasteur.

Un simple constat

Je ne prétends pas détenir LA solution à la crise que vit notre Église québécoise en ce moment. Mais je suis convaincu que cette crise se dénouera par l’évangélisation. Reste à savoir s’il nous restera encore des bâtiments au moment d’en prendre conscience et de faire ce qu’il faut, ou si nous devrons compter sur le Christ Lui-même pour rebâtir le Temple que nous aurons détruit par notre aveuglement volontaire et notre paresse.

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