Recette pour une bonne homélie selon le pape François

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Ces dernières semaines, dans mes médias sociaux, on a beaucoup débattu du droit ou non des laïcs, et surtout des femmes, à prêcher l’homélie. Selon moi, la clé de la réponse à cette question se trouve dans la définition même de l’homélie. Cet article explorera donc la définition de cette forme de prédication particulière qu’en donne le pape François au chapitre trois de son exhortation apostolique Evangelii Gaudium (La joie de l’amour). Nous y découvrirons beaucoup plus que sa recette pour une bonne homélie: il nous y indique son cadre spécifique, ses caractéristiques et son objectif.

Qu’est-ce qu’une homélie?

L’homélie est une forme bien particulière de prédication car elle a lieu dans le contexte d’une célébration liturgique. Dans ce contexte, le Saint Père nous rappelle qu’elle est «moins un moment de méditation et de catéchèse que le dialogue de Dieu avec son peuple, dialogue où sont proclamées les merveilles du salut et continuellement proposées les exigences de l’Alliance»[1]. De fait, elle est le pont entre les deux tables de la sainte messe: les tables de la Parole de Dieu et celle de l’Eucharistie.

Par la prédication, « c’est Dieu qui veut rejoindre les autres à travers le prédicateur, et qu’il déploie sa puissance à travers la parole humaine. »[2]  L’homélie ressemble à la conversation entre un enfant qui réagit aux conseils de sa mère : il peut se montrer parfois perplexe, mais il écoute attentivement les enseignements de sa mère qu’il sait bienveillante et pleine de compréhension pour ce qu’il vit et ressent.

L’esprit d’amour qui règne dans une famille guide autant la mère que l’enfant dans leur dialogue, où l’on enseigne et apprend, où l’on se corrige et apprécie les bonnes choses. Il en est ainsi également dans l’homélie. L’Esprit, qui a inspiré les Évangiles et qui agit dans le peuple de Dieu, inspire aussi comment on doit écouter la foi du peuple, et comment on doit prêcher à chaque Eucharistie[3].

Même dans les cas où l’homélie aborderait des questions doctrinales plus ardues ou ennuyeuses, si cet esprit maternel et ecclésial habite le coeur du pasteur, elle sera toujours féconde, de la même manière que les conseils condescendants d’une mère donnent, avec le temps, du fruit dans le cœur de ses enfants[4].

Les buts recherchés par l’homélie

«Celui qui prêche doit discerner le cœur de sa communauté pour chercher où est vivant et ardent le désir de Dieu, et aussi où ce dialogue, qui était amoureux, a été étouffé ou n’a pas pu donner de fruit[5]»

L’homélie reprend ce dialogue qui est déjà engagé entre le Seigneur et son peuple. Le but n’est pas d’épater la galerie avec un spectacle « sons et lumière », mais d’alimenter la ferveur de la célébration et à en faire ressortir le sens. Elle a comme but ultime « la communion avec le Christ dans l’Eucharistie qui transforme la vie[6]. »

Un dialogue « quasi-sacramentel »

Ce dialogue, dans l’homélie, est le signe visible du dialogue de Dieu avec ses enfants[7]. La vérité qui s’y communique ne doit jamais être froide ou abstraite. Le prédicateur peut s’inspirer, pour ce faire, de Marie, qui exulte d’allégresse devant les bienfaits du Seigneur:

« Son cœur, ouvert à l’espérance d’une pratique joyeuse et possible de l’amour qui lui a été annoncé, sent que chaque parole de l’Écriture est avant tout un don, avant d’être une exigence.[8] »

De la même manière que Jésus, Verbe de Dieu fait chair, crie la détresse de l’humanité vers son Père en même temps qu’Il est Lui-même la réponse du Père à cette humanité brisée et sauvée, l’homélie est en quelque sorte une icône sotériologique entre Dieu et son Peuple, car le prédicateur y exprime les sentiments de l’Assemblée par rapport à ce qui a été exprimé dans la Parole que Dieu vient de lui adresser[9]

« Quand la prédication se réalise dans le contexte liturgique, elle s’intègre comme une partie de l’offrande qui est remise au Père et comme médiation de la grâce que le Christ répand dans la célébration.[10]»

Un don avant d’être une exigence

Un dialogue est beaucoup plus que la communication d’une vérité. Il se réalise par le goût de parler et par le bien concret qui se communique entre ceux qui s’aiment au moyen des paroles. C’est un bien qui ne consiste pas en des choses, mais dans les personnes elles-mêmes qui se donnent mutuellement dans le dialogue[11].

La recette pour une bonne homélie

Selon le pape François, l’homélie se doit absolument d’être brève. Si elle se prolonge trop, elle nuira à l’harmonie entre les deux parties de la célébration liturgique et à son rythme global. « Ceci demande que la parole du prédicateur ne prenne pas une place excessive, de manière à ce que le Seigneur brille davantage que le ministre[12]. »

Elle demande d’éviter de ressembler à une conférence ou à un cours : « La prédication purement moraliste ou endoctrinante, comme aussi celle qui se transforme en un cours d’exégèse, réduit cette communication entre les cœurs qui se fait dans l’homélie[13]. »

Puisque les pasteurs se doivent d’avoir l’odeur de leurs brebis[14], ils trouvent « au cœur de la culture du peuple une source d’eau vive, tant pour savoir ce qu’elle doit dire que pour trouver la manière appropriée[15] » de passer leur message. Ils parlent la langue du peuple et ils utilisent des mots qu’ils comprennent. Le ton est chaleureux et on ressent de la douceur dans leurs voix, ainsi que de la joie dans leurs gestes. Leurs cœurs sont proches, semblables à ceux des fidèles qui leur ont été confiés.

Conclusion

Dans son chapitre sur l’homélie, le pape François tente de nous en rappeler la nature et l’objet, qui est, selon lui, de « souffler les braises » de la ferveur du peuple qui se sent aimé par Dieu et qui répond à cet amour.

« L’identité chrétienne, qui est l’étreinte baptismale que nous a donnée le Père quand nous étions petits, nous fait aspirer ardemment, comme des enfants prodigues – et préférés en Marie – à l’autre étreinte, celle du Père miséricordieux qui nous attend dans la gloire. Faire en sorte que notre peuple se sente comme entre ces deux étreintes est la tâche difficile mais belle de celui qui prêche l’Évangile.[16] »

Une homélie réussie est celle où le prédicateur a su s’effacer pour laisser place au dialogue entre le Père et ses enfants, par le Christ : « Je crois que le secret se cache dans ce regard de Jésus vers le peuple, au-delà de ses faiblesses et de ses chutes : « Sois sans crainte petit troupeau, car votre Père s’est complu à vous donner le Royaume » (Lc 12, 32). Le Seigneur se complaît vraiment à dialoguer avec son peuple, et le prédicateur doit faire sentir aux gens ce plaisir du Seigneur.[17] »

La réponse à la question du droit des laïcs (incluant les femmes) de prêcher l’homélie trouve un début de réponse dans le chapitre trois de Evangelii Gaudium, en précisant le contexte liturgique de l’homélie et son essence intercessionnelle. Si les laïcs ont toujours été encouragés à annoncer la Bonne Nouvelle de Jésus Christ, il revient aux ministres consacrés de prêcher l’homélie. Rien n’empêche un laïc de donner des enseignements catéchétiques dans le cadre d’autres moments vécus en Église.

Quant au sujet de la préparation à la prédication, nous nous le réserverons pour un autre jour. Contentons-nous seulement ici de dire que le pape François propose, dans le cadre de l’homélie, une herméneutique plus proche de la spiritualité du lecteur que la classique méthode historico-critique. 

[1] Jean-Paul II, Lett. ap. Dies Domini (31 mai 1998), n. 41 : AAS 90 (1998), 738-739, in PAPE FRANÇOIS, Exhortation apostolique Evangelii Gaudium, 2013, http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/apost_exhortations/documents/papa-francesco_esortazione-ap_20131124_evangelii-gaudium.html , no. 139

[2] PAPE FRANÇOIS, Exhortation apostolique Evangelii Gaudium, 2013, no. 136

[3] Ibid., no. 139.

[4] Ibid., no. 139.

[5] Ibid., no. 137.

[6] Ibid., no. 138.

[7] Ibid., no. 142.

[8] Ibid.,

[9] cf. Ibid., no. 143.

[10] Ibid., no. 138

[11] Ibid., no. 142

[12] Ibid., no. 138

[13] Ibid., no. 142

[14] Ibid., no. 24

[15] Ibid., no. 139

[16] Ibid., no. 144.

[17] Ibid., no. 143.

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